L’entreprise nantaise Lhyfe est pionnière dans la production d’hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables. En 2023, elle a connu un développement accéléré et incarne le changement d’échelle que connaît actuellement la filière de l’hydrogène. Retour sur les récents succès et la trajectoire de l’entreprise avec Ghislain Robert, son directeur commercial France.
Lhyfe a démarré sa production d’hydrogène vert en Vendée. Où en est ce premier site ?
Depuis septembre 2021, nous produisons en effet de l’hydrogène vert et renouvelable en Vendée, sur notre site de Bouin. Il s’agissait alors de la première installation de ce type à l’échelle nationale. Ce site est équipé d’un électrolyseur d’1 MW, ce qui permet de produire jusqu’à environ 300 kg d’hydrogène vert par jour. Mais nous avions dimensionné cette usine pour une production plus importante et, en 2024, nous allons augmenter sa capacité pour atteindre 2.5 MW. Pour cela, nous devons arrêter la production quelques jours, donc nous attendons que de nouvelles installations soient opérationnelles pour qu’il n’y ait aucune rupture d’approvisionnement.
Vous avez annoncé l’ouverture de deux nouveaux sites de production récemment. Où seront-ils situés et quelle sera leur capacité de production ?
Début décembre, nous avons inauguré un nouveau site de production, Lhyfe Occitanie, à côté de Toulouse, car nous avons remporté un appel à projets de la région Occitanie pour construire un site doté d’une puissance de 5 MW, ce qui permettra de produire deux tonnes d’hydrogène par jour. Quelques jours plus tard, nous avons inauguré un autre site de puissance équivalente en Bretagne, à Buléon (Morbihan).
Lhyfe pourra donc produire plusieurs tonnes d’hydrogène par jour. Qu’est-ce que cela représente concrètement en termes d’usages ?
Afin de mettre ce chiffre en perspective, il faut savoir qu’un véhicule léger tel qu’un taxi Hype consomme environ 1 kg d’hydrogène pour parcourir 100 km. Une production quotidienne de 2 tonnes correspond donc à 200 000 km d’autonomie, ce qui signifie qu’un taxi pourrait faire cinq fois le tour de la Terre avec l’hydrogène produit en une seule journée sur notre site en Occitanie ou sur celui en Bretagne.
Il s’agit d’une importante accélération pour votre entreprise. Comment vivez-vous ce moment ?
Alors qu’en 2023 Lhyfe affichait une capacité de production d’1 MW, nous allons atteindre 11 MW début 2024 : il s’agit d’un véritable changement d’échelle ! Nous sommes vraiment ravis de pouvoir déployer des sites de production à travers différentes régions en France en répondant aux besoins locaux, sur les territoires concernés et avec leur soutien. Et l’enjeu est double : l’hydrogène ne permet pas seulement de décarboner l’économie, mais également de participer à la réindustrialisation grâce à l’installation des sites de production avec toutes les répercussions économiques que cela signifie.
Qu’en est-il de votre développement à l’international ?
Nous sommes aussi présents en Allemagne, avec trois sites de production en cours de construction (21 MW au total), ainsi qu’en Suède. Nous travaillons également sur des projets de première importance au Royaume-Uni (Angleterre et Écosse) ainsi qu’en Espagne, où nous avons récemment obtenu une subvention de 14 M€ pour développer un site d’une capacité installée de 15 MW. Par ailleurs, nous avons lancé en 2023 le 1er pilote de production d’hydrogène offshore au monde, sur le site d’essais en mer SEM-REV de Centrale Nantes, situé au large du Croisic (Pays de la Loire) afin de démontrer qu’il était possible de produire de l’hydrogène en haute mer. Cela nous a permis de décrocher un marché en Belgique, avec le port d’Ostende, pour créer un site de production offshore d’une puissance de 10 MW.
Quel est votre horizon commercial à moyen terme ? La croissance va-t-elle continuer d’être exponentielle ?
En l’espace de seulement deux ans, Lhyfe est passé du statut de startup à celui d’une entreprise industrielle reconnue qui va bientôt s’appuyer sur sept sites de production. Ce n’est pas anodin. Notre croissance va continuer à être très très forte, car d’une part les besoins industriels sont majeurs, et d’autre part parce que nous nous attendons à ce que le secteur du transport de marchandises fasse aussi une mutation progressive vers les énergies vertes. D’ailleurs, nous venons d’être sélectionnés par Nantes Saint-Nazaire Port lors d’un appel à manifestation d’intérêts afin de créer un écosystème hydrogène sur la zone portuaire. L’objectif est d’y installer un site de production d’une capacité installée de 210 MW qui sera opérationnel d’ici 2028.
Est-ce que nous pouvons dire que Lhyfe est sur la voie de devenir une “licorne verte” ?
C’est en effet l’objectif, mais notre but n’est pas de devenir une licorne en étant valorisé un milliard d’euros : nous souhaitons plutôt atteindre le milliard de tonnes de CO2 évitées grâce à nos technologies ! C’est cela notre motivation au quotidien.