Le groupement d’intérêt scientifique Perle (Pôle d’excellence de la recherche ligérienne en énergie) regroupe 16 laboratoires des Pays de la Loire, dont 9 spécialisés sur l’hydrogène. Il a vocation à favoriser les échanges avec les entreprises pour appliquer des innovations sur le terrain. Présentation de ce collectif avec Florence Paumier, ingénieure filière Énergie, Mer, Environnement pour Nantes Université.
Quel est votre rôle ?
Je suis chargée de la relation partenariale entre les laboratoires de Nantes Université et le monde de l’entreprise sur la filière Énergie, Mer, Environnement. Je m’occupe de les mettre en relation, de détecter et qualifier les projets d’innovation et des les orienter vers les structures compétentes, etc. Nous avons notamment dressé une cartographie des compétences des chercheurs afin que les entreprises puissent plus facilement identifier ceux en lien avec leur activité. Nous pouvons accompagner les chercheurs pour le dépôt de brevet et le transfert de technologie vers le monde économique. Les chercheurs sont friands de travailler avec les industriels pour faire sortir leurs innovations des laboratoires.
Pourquoi le GIS Perle a-t-il été créé et quels sont les acteurs qui le composent ?
À l’origine, plusieurs laboratoires académiques des Pays de la Loire se sont associés dans le cadre d’un programme régional qui a permis de financer des thèses en 2007 et 2014. Les participants ont ensuite eu envie de continuer cette collaboration, donc ils ont créé le GIS en 2017. Aujourd’hui, il regroupe 16 laboratoires et 200 chercheurs issus des universités de Nantes (avec les antennes de Nantes et Saint-Nazaire), Angers et Le Mans. Nous y retrouvons une grande variété de disciplines (chimie, énergie électrique, matériaux, économie, géographie…), mais toujours avec la vocation de mener des travaux sur l’énergie. Par ailleurs, le GIS est accompagné par les pôles de compétitivité (S2E2, iD4mobility et EMC2), ainsi que la CCI des Pays de la Loire.
Quelle place occupe l’hydrogène ?
Au sein du GIS, 9 laboratoires sont spécialisés sur l’hydrogène, et cela représente une trentaine de chercheurs permanents. Ils interviennent sur plusieurs axes, et notamment :
- l’économie, la gestion des stocks ;
- la chimie, la valorisation des déchets organiques et la production solaire ;
- l’électrolyse à haute température, qui est au cœur du pôle ;
- le développement d’applications maritimes ou terrestre avec des piles à combustibles ;
- la mise au point de moteurs à combustion hybride avec de l’hydrogène gazeux.
Par ailleurs, les chercheurs du Centre François Viète à Nantes, spécialisé dans l’histoire des sciences, mènent des travaux sur l’histoire de l’hydrogène et l’acceptabilité de cette technologie auprès du grand public depuis l’apparition des premières piles à hydrogène au XIXe siècle.
Quels partenariats recherche/entreprise récents dans le secteur de l’hydrogène pourriez-vous mettre en avant ?
- La chaire ELHySE qui a été créée en 2023 grâce à une subvention de 140 000 € du conseil régional des Pays de la Loire. Elle est pilotée par le laboratoire Ireena de Saint-Nazaire, en partenariat avec l’entreprise Comeca Power basée au Mans. L’objectif est d’améliorer la performance et la fiabilité des unités de génération d’hydrogène, notamment en faisant du monitoring des électrolyseurs de haute puissance afin d’augmenter leur durée de vie et d’améliorer leurs performances.
- Le projet HyMot est mené à l’École Centrale de Nantes par le Laboratoire de recherche en Hydrodynamique, Énergétique et Environnement Atmosphérique (LHEEA). Il s’agit d’un projet soutenu par l’ADEME (CORAM/Programme investissement d’avenir – France 2030) dédié à la mise au point d’un véhicule équipé d’un moteur thermique hydrogène abordable et respectueux de l’environnement pour les véhicules utilitaires légers, avec pour partenaires Bosch, le groupe Renault, Alpine, Forvia, Total Énergies, l’IFPEn et OSE. Le projet a démarré en 2022 et permet d’investir dans des bancs d’essai dédiés et des outils de simulation ainsi que d’étudier et optimiser les performances du véhicule démonstrateur.
- Le projet de recherche ESTUAIRE, qui dépasse le seul champ de l’hydrogène, avec Nantes Saint-Nazaire Port en chef de file. Le port voulait étudier la possibilité de récupérer la chaleur fatale produite par les acteurs présents sur son territoire pour ensuite la partager aux utilisateurs sous forme d’énergie. Le projet s’est déroulé entre 2019 et 2021 et a nécessité un investissement de 710 000 €. Il s’est appuyé sur MAN Energy Solutions, la Carene, le cabinet Akajoule, le laboratoire Ireena et le LTeN (Laboratoire de Thermique et Énergie de Nantes).
Y a-t-il d’autres laboratoires importants pour la filière hydrogène en Pays de la Loire ?
Dans ce domaine, le laboratoire phare sur Nantes, c’est l’Institut des Matériaux Jean Rouxel (IMN). En effet, le professeur Olivier Joubert est président de la Fédération de recherche hydrogène du CNRS (FRH2) qui regroupe tous les laboratoires français qui travaillent sur l’hydrogène. L’IMN mène des projets de recherche fondamentale et appliquée, plus en amont, par exemple sur la mise au point de nouvelles céramiques. Ces projets obtiennent des financements importants dans le cadre de programmes nationaux tels que France 2030 et les Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) : l’IMN pilote deux projets qui en bénéficient et est partenaire au sein de plusieurs autres.
Nous pouvons également citer le GEPEA qui travaille sur la production d’hydrogène à partir de déchets et le laboratoire CEISAM (Chimie et interdisciplinarité, synthèse, analyse, modélisation) qui mène des recherches sur la production par photocatalyse, via les rayons du soleil.
Enfin, il faut noter que des laboratoires sont spécialisés dans les sciences sociales, comme le Centre François Viète que j’ai évoqué précédemment ou encore le Lemna (Laboratoire d’Économie et de Management Nantes-Atlantique) qui mène des études technico-économique sur l’économie de l’hydrogène, notamment sa viabilité, la gestion des stocks, etc.
Et y a-t-il des projets qui impliquent des étudiants ?
Oui, bien sûr. Par exemple, des enseignants du LTeN encadrent des étudiants de Polytech Nantes et du lycée de la Joliverie réunis au sein de l’association Polyjoule. Ils trustent souvent les premières places au Shell éco-marathon, une course internationale de véhicules à pile à combustible dans laquelle il faut faire le plus de kilomètres possible.
Une journée dédiée à l’hydrogène a récemment été organisée par le CNRS. Comment s’est-elle passée ?
En effet, le CNRS a organisé une journée à Paris le 18 décembre qui était à destination des industriels. L’objectif était de présenter les compétences des laboratoires, et plus de 100 personnes étaient présentes. Nous avons assisté à des pitchs de binômes chercheur/industriel, dont un de l’IMN avec Air Liquide. À cette occasion, nous avons également eu des informations sur le financement de projets par l’ANR (Agence nationale de la recherche). Cela complète les accompagnement financiers accessibles localement, tels que les thèses CIFRE qui sont cofinancées par le conseil régional. C’est d’ailleurs le cas d’une thèse lancée en mars 2023 par Lhyfe et le LS2N qui traite de l’optimisation de la production d’hydrogène vert renouvelable sous incertitudes.
Faciliter les transferts entre chercheurs et entreprises est une priorité régionale, et des événements se déclinent également à l’échelle des Pays de la Loire. Une journée scientifique a ainsi été organisée lors du dernier Le Mans Hydrogène en septembre, et des chercheurs étaient présents lors des Ateliers Hydrogène des Pays de la Loire, en décembre, afin de présenter leurs travaux. Ces rencontres entre les entreprises et les chercheurs permettent de renforcer les liens et de favoriser les collaborations croisées.
Quels moyens d’essai sont disponibles en Pays de la Loire pour les industriels qui travaillent sur l’hydrogène ?
il y a de nombreux moyens d’essai liés à l’hydrogène en Pays de la Loire, dont certains sont assez unique en France et même en Europe :
- l’IMN a une plateforme sur les matériaux qui permet de mener des travaux sur la caractérisation et la mesure des performances pour créer de nouveaux matériaux ;
- l’Ireena a des bancs d’essai pour les piles à combustibles et un pont de micro-réseaux intelligents afin de mener des simulations ;
- le LHEEA de Centrale Nantes a des bancs d’essai moteur pour étudier l’hydrogène dans des moteurs à combustion ;
- le LTEN est spécialisé sur l’étude des piles à combustible basse température (plutôt pour l’automobile) et dispose de bancs d’essai pour vérifier l’état de santé des piles, leurs performances, etc. ;
- ils ne sont pas membres du GIS, mais nous pouvons aussi citer :
- l’IRT Jules Verne qui a des moyens d’essai sur le stockage de l’hydrogène liquide ;
- le Technocampus Composites qui dispose de moyens techniques mis à disposition de toutes les entreprises régionales qui souhaitent développer ou expérimenter des innovations ;
- Airbus et son centre de R&D ZEROe qui travaille sur la mise au point de réservoirs d’avions adaptés à l’hydrogène liquide (cryogénique) ;
- le Cetim qui a lancé l’ambitieux programme HyMEET, avec un plan d’investissement de 25 millions d’euros d’ici à 2026 afin de s’équiper de moyens d’essais de pointe dédiés à l’hydrogène (bancs de fatigue, de pression, de test de l’étanchéité, d’analyse thermomécanique, etc.) ;
- l’antenne régionale du CEA qui dispose d’une chambre climatique unique en Europe permettant de tester la marinisation (brouillard salin) ou l’impact des conditions atmosphériques (pollution, saleté) sur les équipements ;
- SEM-Rev (site membre de la Fondation Open-C piloté par l’Ecole Centrale) au large du Croisic qui permet de tester des équipements en conditions réelles en mer avec une connexion au réseau.